Libérable
C'était l'après-midi et on l'avait laissé là, comme oublié. En fin de matinée, ses congénères l'avaient salué dans un mélange de moquerie et de regrets. De soulagement, aussi, de n'avoir pas été pincés pour une broutille. Du mess des officiers, il avait, l'avant-veille, sorti pour eux quelques bouteilles de "Johnny Walker", histoire de fêter, en braillant "zéro" , la libération. Mais la joie du retour avait mis à mal le bel ordonnancement des cuisines et la réserve d'alcools. Puni, il ne partirait qu'en milieu de semaine prochaine. Après avoir tout épongé, en dettes comme en cuisine. Alors il restait là, comme un centenaire toujours vert qui viendrait d'ensevelir son dernier contemporain. Au milieu de nulle part, dans ce camp de manœuvres plein d'asphalte et de blindés. À l'armée, le destin était d'attendre. Après des litres de neige et de pluie, arriverait forcément le moment de partir. Il avait loupé le coche pou