Tatie Pette, Kim et René
Tatie Pette, c'était la voisine de mes parents. Le tempérament d'Ava Gardner allié au maniement impeccable du hachoir. Dans sa petite boucherie, elle découpait hardiment le charolais tout en jetant de temps à autre à Kim, son dalmatien, un morceau qu'il attrapait au vol. À ses cotés, en blouse blanche, officiait René son mari, filiforme, incroyablement élégant, égayant la boutique d'un humour vache, un bras à jamais déformé par la polio. Incollable sur les mystères de l'automne 44, il savait qui avait descendu qui ou rafalé telle vitrine, connaissait l'identité de tel macchabé retrouvé au milieu des bois. Cette drôle de cueillette lui conférait un recul sur les aléas de l'existence, une absence de jugement sur la nature humaine peu communs. Tatie Pette et René adoraient prendre l'apéritif au soleil déclinant ; sur leur terrasse, ils semblaient méditer en fumant des Gitanes. L'été de mes dix ans, qui fut son dernier, René m'appelait dès qu'...