Les creepers


       Les "creepers" sont des pompes à grosses semelles caoutchoutées. A boucles ou à lacets, sobres ou bariolées, bon marché ou hors de prix, elles sont à la chaussure ce que le monstre du Loch Ness est au journaliste : elles refont surface quand on ne sait plus quoi refourguer. Je découvre leur existence aux pieds de Mike Barson sur la pochette d'"It must be love", un 45 tours de Madness. Il les porte avec un "zoot suit" vert pomme du meilleur goût. J'en bave. Sauf que nous sommes en 1981, au cœur de la nuit bourbonnaise. Où pêcher ça ? Au collège, personne n'en porte ou ne semble savoir ce que c'est. Le truc vestimentaire le plus marrant du moment, c'est le bob "AC/DC" de Franck Faitout (qui doit valoir un bras s'il a survécu. Le bob, bien sûr, pas Franck ! Lui, il est toujours en vie ; enfin, normalement…).
   Comme dirait un vulgaire, c'est en seconde que je vois ma première paire. Celle d'une parigote expatriée à Montluçon, forte en gueule et très sympathique. 36, semelle simple, bon marché en noir et rouge importé de la capitale. S'en suit un 44 en noir et gris, semelle double, acheté trois ans auparavant chez Eram par un fan des Clash et de Baudelaire qui, étrangement, ressemble à Paul Simonon. Coup de tonnerre : un bananeu, qui préfère les mocassins "à la Cochran", me raconte qu'il aurait vu des noires et blanches en solde, quelque part dans Montluçon. Ça devient ma quête du mercredi : à la recherche de la dernière paire perdue. Et jamais retrouvée. De dépit, je me jette sur une imitation de richelieu en plastique, un 42 gris et noir à cinquante balles* qui me fera presque deux ans. On peut en voir la déclinaison blanche et noire, pointure inconnue, aux pieds du bassiste-chanteur de Bandolero dans le clip INA de leur unique tube : "Paris latino".

* Soit, compte tenu de l'érosion monétaire due à l'inflation, 16,37 Euros d'aujourd'hui.



Commentaires

Articles les plus consultés