Porcherie

 "Quelle horreur ! Comment peut-on tomber si bas ?". Le son est pourri et les paroles - vraisemblablement en français - sont inaudibles. Nous somme au mitan des années quatre-vingt et je viens de découvrir les Bérus…  je me dis, avec un rien de fierté couplé à un arrière-fond de tristesse, que je n'ai déjà plus l'âge pour ce truc de chaudronnier mal dégrossi. Moi, j'ai été élevé au sein, avec des giclées d'Andy Summers. Sevré avec des becquées de Lords of the New Church. Pourtant, deux ou trois ans auparavant, Gaston, qui montait de temps à autre à "Ripa", m'avait louangé un duo qui tournait beaucoup dans les squats. Qu'est-ce qui pouvait bien pousser les jeunes parisiens à braver les flics et les fachos pour aller entendre ce tintamarre ? La misère, sans doute. Surement pas le goût des belles mélodies. Peut-être, ce duo était-il semblable à certaines décoctions : on se force à en boire, on se reforce et ça finit par passer. Mais dans quel but ? Montrer qu'on est devenu féroce ? Aussi féroce que la police qui, croyant tuer un jeune, allait bientôt assassiner un passionné de jazz se prénommant Malik ? Dieu sait pourtant que les fondateurs des Bérus n'avaient jamais rien demandé à personne. Ils s'étaient même ingénié - par goût ou plus vraisemblablement par fatalité - à rendre leur prestation la plus aride possible. Mais rien n'y fit. Ils devaient être, sans le savoir, deux puissants chamans. Une partie de la jeunesse, comme aimantée, venait à eux et des milliers d'anciens enfants, désormais décolorés, criaient "porcherie !".

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