Le dress code des guerrières nomades

   Des auteurs anciens, souvent grecs, ont évoqué l'existence d' « Amazones ». On imagine les frissons parcourant ces helléniques barbus au moment de décrire ces femmes. Vêtues comme des hommes, à la fois cavalières et guerrières habiles, elles étaient supposées galoper du côté du Pont-Euxin (Mer Noire, façade Asie Mineure).

  Les découvertes archéologiques révèlent que le mythe repose sur des faits réels. De l'Oural à l'Ouzbékistan, les armes retrouvées sous les tumulus où reposent des femmes, leur squelette présentant de nombreuses blessures témoignent que, dans les sociétés nomades sarmate, scythe ou encore sace, des combattantes s'impliquaient activement dans les raids. Reste à savoir si l'état guerrier concernait seulement les aristocrates (1) où si une femme "du peuple" pouvait également guerroyer. Comme on va le voir, l'équipement complet d'une cavalière devait coûter bonbon. Mais rien n'empêchait de se servir sur le cadavre d'un(e) adversaire. Ou simplement de s'en passer, en comptant sur son habileté et un solide bouclier… autres mystères : une sarmate pouvait-elle partir à l'aventure et se louer comme mercenaire ? Existait-il des sociétés de guerrières scythes comparables à celles des peuples amérindiens ?

  La photographie de gauche présente une combattante sarmate du Vème siècle av J.C. Notre cavalière possède les armes retrouvées fréquemment dans les kurgans (tumulus) des femmes. En vedette : l'arc, arme fétiche des steppes. Il est stocké avec ses flèches dans un carquois (goryt). Son casque en bronze, du type corinthien, est d'inspiration grecque. La cavalière en a modifié la nuque et les jugulaires pour les rendre plus souples. Sa cotte, en écailles cousues sur des bandes de cuir, se porte sur une peau de chèvre. Les épaulières sont rattachées à l'ensemble avec des tendons. En plus d'une arme de combat rapproché, épée courte ou hache, une lance peut compléter la panoplie. Sur le cliché, celle-ci porte un "toug" à la hampe: scalp d'un(e) adversaire ou encore queue d'étalon, souvent symbole de commandement, dont l'usage se perpétue dans les armées contemporaines. Le "Père de l'Histoire", Hérodote, peu suspect de fantaisies, raconte que les guerrières scythes doivent produire trois scalps avant de pouvoir se marier. 

Enfin, l'équipement de cette femme suggère qu'elle appartient à une ethnie sarmate vivant dans le sud de l’Oural.

    La seconde photographie nous présente une cavalière originaire de Bactriane (vaste région antique à cheval sur l'Afghanistan, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan). Elle est contemporaine du règne de Claude (50 ap. JC), en ignore probablement l'existence et a planté sa tente sur le site de Tillya Tepe, à proximité de l'actuelle Sheberghān, cité du nord de l'Afghanistan. Si l'on ne connaît pas la texture exacte de sa confortable tenue, les fines plaques qui ornent son bonnet sont les restitutions en laiton d'éléments en or fin découverts dans sa tombe. Notre cavalière était-elle Sace, Yuezhi ou d'une autre ethnie ? Était-elle de passage à Tyllia Tepe ou sédentarisée ? Les archéologues n'ont pu le déterminer, vu les flux et reflux incessants de peuples dans une région riche en échanges commerciaux. Pour preuve, les monnaies de provenance variée trouvées dans la sépulture de cette femme et celles de ses voisins. Autre trouvaille, une astucieuse couronne d'or pliable, très pratique pour un prince ou une princesse nomade

(1) à l'image de Tirgatao, reine sarmate du Bosphore qui, selon l'historien grec Polyen, conduisait vaillamment ses troupes (Vème siècle av. J.C)


Illustration : reconstitutions réalisées par Amages Drachen, site des cultures de la steppe



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