1870

     Au printemps 70, l'Allemagne telle que nous la connaissons n'existe pas. Le royaume de Prusse, avec à sa tête le chancelier Bismarck, est l'état dominant de la Confédération d'Allemagne du Nord. Bismarck n'a qu'une crainte : que les états allemands du sud à majorité catholique (Bade, Wurtemberg et Bavière) cèdent aux sirènes françaises. Pour éprouver leur solidarité, le chancelier prussien et son état-major souhaitent une guerre contre la France impériale de Napoléon III. De son coté, la France sort d'un plébiscite printanier triomphal pour l'empereur et son virage "libéral". Ce succès inaugure un régime parlementaire, la démoralisation des républicains et des socialistes parisiens et pour Victor Hugo, la triste perspective de mourir en exil. La succession d'Espagne va pourtant mettre le feu aux poudres : la candidature au trône espagnol d'un cousin du roi de Prusse inquiète au plus haut point Paris qui voit la possibilité d'un second front s'ouvrir sur les Pyrénées. Le roi Guillaume de Prusse, qui est loin d'un va-t-en-guerre, ne voit aucun inconvénient à ce que son cousin renonce au doux ciel de Madrid. A contrario Bismarck, par une savante campagne de désinformation, veut provoquer un incident diplomatique prompt à déclencher la fureur des Français. Il ampute un télégramme officiel de façon à ce que l'ambassadeur français Benedetti semble avoir été congédié brutalement par Guillaume de Prusse. Même si Benedetti dément la rumeur, les cocardiers qui peuplent les bistrots, les salles de rédaction et la cour impériale réclament l'entrée en guerre. Malade et dépassé par les bonapartistes autoritaires qui regrettent le virage parlementaire du régime, Napoléon III laisse faire. Seuls Adolphe Thiers (le futur "fusilleur de la Commune") et quelques députés républicains refusent courageusement de voter les crédits de guerre. Les dés sont jetés...   
   
 Ne disposant d'aucun plan de mobilisation fiable, l'armée impériale va combattre à un contre trois. Abruti par des décennies de campagnes coloniales, sans mises à jour tactiques et stratégiques (alors que la Guerre de Sécession a été suivie de très près par les prussiens), le haut-commandement est inexistant. Sur le terrain on manque de cartes d'état-major, d'attelages pour l'artillerie ou d'ambulances. Le résultat ne se fait pas attendre : les armées françaises sont balayées en un mois. L'Empire s'effondre et la République est proclamée. Reprenant le flambeau autrefois brandi par Lazare Carnot, Gambetta quitte en ballon Paris assiégée pour organiser en province la levée de nouvelles armées. Il réussit à mobiliser plus de 500 000 hommes et la guerre se traîne jusqu'en janvier 1871, le temps d'un hiver glacial. Au Nord, Faidherbe et ses troupes contiennent comme ils peuvent l'avancée allemande. En Franche-Comté, l'italien Garibaldi et ses Chemises rouges se mettent au service de la République et remportent plusieurs victoires. Enfin à l'ouest, D'Aurelle de Paladines et Charette (le neveu du général vendéen) tentent de débloquer Paris, et ne sont pas loin d'en prendre le chemin après leur victoire de Coulmiers. Mais la capitulation de Bazaine, encerclé dans Metz, libère des renforts pour les prussiens malmenés dans le Loiret. A bout de forces, le gouvernement républicain doit demander l'armistice. Le 18 janvier 1871, Bismarck proclame l'Empire Allemand dans la galerie des Glaces du château de Versailles : l'Allemagne contemporaine vient de naître. L'épopée tragique de la Commune ne va plus tarder…



Illustration : collection Vinkhuijzen-Bibliothèque Publique de New-York ; Soldats de tous les temps-Liliane et Fred Funcken ; les armées de la République sont un amalgame de soldats professionnels et de volontaires venus de tous les horizons : les Chemises Rouges de Garibaldi (3) côtoient les Volontaires de l'Ouest catholiques et souvent monarchistes (2), les vétérans de la Garde Impériale houspillent les mobiles (1) peu instruits, faute de temps. Des journalistes parigots ou des brodeurs de Blida s'improvisent francs-tireurs.

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