Villes américaines

 
"La tyrannie des villes était comme la tyrannie compacte, et d'autant plus cruelle et absolue, d'une civilisation qui, à l'origine et dans sa phase de jeunesse, visait au progrès et à l'élévation de l'être humain ; devenue ensuite mécanique, elle abaissait et exploitait l'homme, qui, à ses formules et prescriptions toutes puissantes, opposait sans cesse en vain ce qu'il avait de meilleur, à savoir la discipline spontanée de sa conscience morale libre et responsable. Et au lieu de vivre ensemble de leur plein gré dans une société libre, fière, prête au dévouement, les citadins vivaient désormais en masse et en troupeau, mais chacun pour soi. Car le simple fait de manifester trop de fraternité, ou même de solidarité, ou même de pitié, se payait très cher. Alors chacun s'occupait de ses affaires et d'elles seules, trompait les étrangers pour mieux profiter d'eux, et se contentait de respecter les règles qui régissent la vie dans une société bien organisée ; et cela d'ailleurs uniquement par habitude, pour ne pas entrer en conflit avec la loi et la police, et parce qu'ainsi c'était plus commode et conforme à l'usage."

Annemarie Schwarzenbach - "La quête du réel "






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