Louise en Kanaky

En 1878, les cultivateurs kanaks se soulèvent contre les gros proprios et petits colons français pour recouvrer leurs terres. A leurs côtés, une anarchiste : Louise Michel.

      Lorsque la révolte éclate, cela fait bientôt cinq ans que Louise est déportée en Nouvelle Calédonie. C'est à la République renaissante qu'elle doit son statut de bagnarde. En effet, Louise, communarde parmi les communards, veut abroger les loyers, rendre gratuite l'instruction. Mais la République ne plaisante pas lorsqu'il s'agit de sauvegarder le Code Civil. Après que ses soldats aient fusillé 20 000 personnes, ses tribunaux vont expédier 40 000 procès. Louise échappe au peloton en se planquant. Les autorités ayant pris sa mère en otage, Louise refait surface et se livre. La voici donc ici, au bagne de la presqu'île de Ducos aux portes de Nouméa. Depuis vingt ans, le bagne est devenu une des spécialités de la colonie. Les prisonniers sont employés à des travaux dans le centre ville de Nouméa ou regroupés au sein de fermes pénitentiaires qui grignotent chaque jour d'avantage les terres cultivables des kanaks. Les cinq milles communards sont relégués non loin des villages kanaks. L'administration pénitentiaire, dans sa béatitude raciste, compte bien que les tribus exerceront à moindre frais une surveillance gourmande de ses détenus politiques. Hélas, personne ne sera dévoré. Si quelques communards disparaissent, c'est pour d'autres raisons. Henri de Rochefort, un pote de Louise, réussit l'exploit de quitter la Nouvelle Calédonie avec cinq déportés grâce aux villageois et aux francs-maçons australiens. Quant à Louise, elle construit une cabane et démarre un jardin potager. Elle se lie d'amitié avec Daoumi, un kanak employé par l'administration du bagne. Daoumi va devenir son interprète et son professeur de langues. En sa compagnie, Louise rend visite à la tribu voisine. Les villageois ont tôt fait de lui décrire les tenants et aboutissants socio-économiques du coin : les français ont mit le pays en coupe réglée à coups de fusils. Les éleveurs européens ont pris les meilleures terres, laissant la portion congrue aux tribus. Le bétail, laissé en liberté, saccage les cultures. Beaucoup de gens ont du se réfugier dans la forêt ou se planquer dans les grottes. Au tour de Louise de raconter la Commune, les massacres et les mois de traversée sur un rafiot-prison. Comme elle passe de plus en plus de temps au village, elle sait désormais ce qui pousse bien, ce qui pousse mal, sait préparer le kokoci ou la koupette ou encore des recettes pour se soigner. Au bout d'un moment, on la garde à souper. Louise découvre les contes, les légendes et les chansons.

      Lorsque l'insurrection éclate en juin 1878, après des mois de préparation minutieuse, Louise veut y associer les communards. Presque tous vont se ranger du coté des flics et de l'armée : "Pas question de soutenir ces cannibales sans civilisation !"... C'est peu dire qu'elle tombe des nues, elle qui depuis des mois essaie de retranscrire dans des carnets l'extrême complexité du droit coutumier kanak. Pendant ce temps, le chef Ataï et ses partisans remportent des victoires et menacent Nouméa. La République envoie des renforts et fait assassiner Ataï. En décembre, les zones de rébellion finissent par être encerclées et les soldats incendient la forêt systématiquement. Beaucoup de gens périssent brûlés vifs. Beaucoup d'autres sont massacrés. La surveillance de Ducos s'étant considérablement relâchée ( les colonnes punitives ayant besoin de bras, et beaucoup de bagnards ne se font pas prier pour les rejoindre ) Louise cache des combattants blessés et fait passer des munitions.
      En 1880, le gouvernement déclare l'amnistie des communards. Louise peut rentrer en France. Au moment du départ, ses camarades kanaks viennent lui dire adieu. L'un d'eux porte une écharpe rouge. C'est l'écharpe de Déléguée de la Commune de Louise.

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