Véro

     Bizarrement, au moment de te dire "adieu", ce ne sont pas nos années de cohabitation, notre mini périple dans la Tunisie de Ben Ali, pas plus que notre encyclopédique collection de manifs ou de tracts qui me reviennent en mémoire. Ce sont plutôt les jours lointains de notre adolescence, d'ailleurs déjà peuplés de manifs. A seize ans, tu étais là toute entière, comme Proust dans sa première nouvelle. Prête pour une vie romanesque pleine de luttes, d'amours, de voyages, de rock'n'roll, de prisons. Un soir d'hiver, alors qu'on buvait un blanc-cassis au "Presle", tu as glissé cinq balles dans le petit juke-box vissé contre le mur et tu m'as demandé ce que je voulais entendre. "As soon as the good times roll", que j'ai dit. Tu étais un peu déçue car tu aurais sans doute préféré le slow qui tue de la face A. Des fois, ouais, tu étais aussi fleur bleue. Je nous revoie dans la nuit de ce petit bistrot montluçonnais. Peut-être y sommes nous toujours, blottis dans une énième dimension. Écoutant, tour à tour, ce slow qui pleurniche le pardon des offenses et sa face B, qui donne le rock'n'roll comme ultime boussole aux âmes égarées.

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