Sur les conspirationnistes

 Voici dix ans que des guérilleros religieux se sont jetés à grand coup de réacteurs sur le Centre Mondial des Affaires. Et voici dix ans que des conspirationnistes de tout poil essaient de nous faire croire que cet attentat n'est, ni plus ni moins, qu'une superproduction un peu plus léchée que d'habitude.

 Comme il y eu autrefois des "déçus du socialisme", il y a depuis dix ans des "déçus du FBI". La majorité des conspirationnistes sont de ceux là. Des déçus du suréquipement qui préfèrent croire que les diverses agences du renseignement américain ont orchestré toute l'affaire derrière leurs portes en titane, plutôt que de reconnaitre que ces officines se jalousent et se combattent, au point de devenir totalement inefficaces. Le complotiste continue d'entretenir, en fouillant ce qui reste des décombres, l'idée que les USA, son administration et ses agents restent omniscients. L'oncle Sam, quasi-divinisé, ne peut pas être vaincu sinon par lui même dans une mise en scène contrôlée de bout en bout. Mais surtout pas par des arabes armés de cutters. Chez nous Pétain, le "vainqueur de Verdun" ne disait pas autre chose : la France a été vaincue parce qu'elle a été trahie par les congés payés, les francs-maçons, les juifs et les communistes. Mais surtout pas parce que les allemands sont passé là où " l'état major de la première armée du monde" ne les attendait pas.
  
 L'Amérique déconne. Et dans chaque domaine qui fit jadis sa bonne fortune : l'argent, le renseignement, la guerre. Son déficit est un abime sans fonds. Ses ambassades sont devenues des pétaudières d'où le moindre pneumatique file derechef vers Wikileaks. Ses chômeurs, recrutés dans ses légions, se font dégommer par paquets de dix dans les montagnes afghanes, cet autre Mordor, cimetière des empires. Et il lui aura fallu dix années pour retrouver un vieux chef de guerre décrépi et abandonné de tous. Dix minutes pour balancer cette maigre victoire au fond de l'océan. Lorsque l'on s'en tient à la description des faits, on comprend que les conspirationnistes préfèrent leurs complots.

J'avouerais volontiers m'en contrefoutre si cette affaire n'avait pas d'incidence sur nos vies. Car cette décrépitude se paie en caméras et en lois liberticides. Trop imbu de lui même pour admettre que ses beaux jours avaient sombré bien avant ses deux tours, l'ancien jeune premier du monde occidental voit désormais des ennemis partout. Cette faillite américaine, dont l'annonce est sans cesse reculée, est grosse de bouleversements extraordinaires. Comme de comique involontaire ; ainsi, dépêcher un corps expéditionnaire français à Tripoli en dit long sur le désarroi d'une Amérique qui, autrefois, ne craignait pas de bombarder la tente du colonel entre la poire et le fromage. Seule consolation pour Washington, la sous-traitance évite l'humiliation d'avoir à entendre les "Allah Akbar !" dont les combattants du CNT sont si friands…

Autre inquiétude, les alliés ne vont pas plus fort que le maitre. Quand la France s'apprête à souhaiter un joyeux Noël à Ben Ali, voilà que l'immolation d'un vendeur de fruits et légumes sonne l'heure des révolutions et jette à bas des décennies de diplomatie à la française ; là encore, je suis bien certain que le coup fut trop rude pour nos chasseurs d'"Illuminati". Et que dire lorsque la contestation gagne jusqu'aux rues de Tel Aviv, le suprême nid des complots, selon nos conspis de tout poil ?
 Je ne dirais qu'une chose : la "mondialisation heureuse" sous l'égide du "gendarme du monde", ce sera pour une autre fois.

 Ou pour une autre planète.

Commentaires

  1. Belle idée que ce blog !

    Bien d’accord avec toi pour les US et leur délabrement. On a l’impression d’une incapacité à considérer leur vraie situation. Aussi bien de la part de leurs partisans, qui ont besoin de l’empire tout puissant pour justifier la continuation du modèle. Que de la part de leurs adversaires, qui ont besoin de l’empire tout puissant pour justifier la continuation de la lutte.

    Par contre, je crois que leur principal ennemi c’est bien eux-mêmes et le système qu’ils ont largement participé à enfanter. Je me demande aussi si considérer qu’ils ont « dépêché un corps expéditionnaire français en Libye », et que la France et les autres ne sont sur ce coup que des sous-traitants, ne revient pas à tomber dans le même piège que celui que tu dénonces. C’est-à-dire surévaluer leur influence. Je crois surtout que les américains n’avaient vraiment pas envie de s’engager en Libye ; d’ailleurs jusqu’ici ils n’ont fait que suivre, sur la pointe des pieds. Plus les moyens d’être dépensiers dans des « opérations extérieures ». On est sûrement plus proche du « comique involontaire » dont tu parles ; quand on sait l’influence jouée par le Bouffon Humanitaro-Lourdingue (BHL) dans la décision d’intervention française…

    Virlo Akbhar et au plaisir de te lire !

    Cyril

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  2. cher Cyril,
    il est fort probable que vous ayez raison et que la décrépitude américaine aille si loin que ses porte-flingues agissent désormais en free lance!

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